F1 - TOCanalyse n°3 : La course au développement

Chaque semaine sans Grand Prix, nous vous proposons un article consacré à des aspects internes et moins connus de la Formule 1, à destination des débutants mais aussi des plus confirmés ! Pour ce troisième article de la série « TOCanalyse », vous allez découvrir comment les écuries font une « course au développement » afin d'avoir la meilleure voiture, et ce tout au long de l'année.
Il
existe deux courses en Formule 1. La principale sur la piste, et
celle moins connue
dans les usines et bureaux des écuries. Les meilleurs ingénieurs du
monde cherchent chaque semaine la pièce de quelques millimètres qui
fera gagner à leurs voitures quelques positions. En
effet, depuis
sa création en 1950, la Formule 1 a toujours été
le lieu pour permettre aux plus grands constructeurs automobiles de
prouver leurs puissances technologiques.
Jusque dans les années 80, les écuries pouvaient innover quasiment
sans limite, et les ingénieurs faisaient de la F1 leurs terrains de
jeux. De
nos jours, les ingénieurs doivent s'adapter au règlement et
optimiser au maximum les technologies autorisées. Ils sont
constamment à la limite du règlement et à la recherche de sa
moindre faille.
La R&D en Formule 1
Derrière le terme recherche et développement, ou R&D, que l'on connaît en Sciences Economiques et Sociales notamment, se situe pour la F1 un éventail très large de types d'études dans les écuries. Pour résumer simplement cette notion complexe, la R&D en F1 fournit un lien absolument essentiel entre la théorie et la réalité. Dans les bureaux et sur les ordinateurs, chaque écurie doit développer sa voiture en fonction de ses faiblesses pour revenir au niveau de ses concurrents sur la piste. La « recherche » correspond alors aux tests des nouvelles pièces, comme un aileron avant pour prendre un exemple simple, sur les ordinateurs puis sur les bancs d'essais. Et puis si cette pièce donne satisfaction, alors l'équipe passe à la partie « développement » et construit son aileron avant pour le poser ensuite sur leurs deux voitures.
Généralement,
les équipes partent sur deux types de « packages » aérodynamiques
: celui pour les circuits qui demandent beaucoup d'appuis
aérodynamiques, comme Monaco, et celui pour les circuits qui en
demandent peu, comme Monza par exemple. Le
« package » comprend trois pièces principales pour une F1 : les
ailerons avant et arrière ainsi que le fond plat. Ces trois pièces
sont facilement réglables en fonction des circuits. Dans
le même temps, les
écuries effectuent un développement
plus global de pièces qui vont servir pour tout type de circuit. De
plus, il faut aussi prendre en compte que les équipes travaillent
dans la saison sur leurs voitures actuelles, mais également sur
celles de l'année suivante. En effet, le développement des
futures voitures commence environ un an avant le démarrage
de celles-ci. Au
fil de la saison, les équipes doivent alors décider quand effectuer
la bascule entre la voiture de la saison actuelle ou la prochaine.
Mais
en
2021, un nouvel élément apparaît
pour les ingénieurs et les écuries. En
effet, le
développement est maintenant
régulé par une
nouvelle réglementation qui consiste à contrôler les coûts. Avant
cela, les plus grosses écuries dépensaient des sommes astronomiques
pour avoir la meilleure voiture, tandis que celles
du fond de grille ne pouvaient pas se le permettre. Aujourd'hui, une
sorte de nivellement vers le bas est effectué avec la nouvelle
allocation de temps de soufflerie et de CFD en fonction du classement
constructeurs. Ce point amène des points positifs mais aussi
négatifs, mais nous n'allons
pas revenir dessus ici.
Les temps de soufflerie et de CFD
Mais alors en quoi consiste la soufflerie et la CFD ? Tout d'abord, il faut savoir que la recherche et développement s'effectuent en deux étapes principales. Premièrement, la CFD (Computational Fluid Dynamics), ou mécanique des fluides numériques en français, est une sorte de soufflerie numérique. Pour faire simple, elle analyse l'écoulement des flux d'air sur l'élément testé et autour de la monoplace. Cette étape n'est pas à négliger car elle permet de tester de nouveaux composants à moindre coût et d'obtenir des résultats théoriques. Mais la réalité est toutefois bien plus précise dans la majorité des cas. Lorsque les résultats en CFD sont convaincants, chaque équipe effectue un deuxième test, plus proche de la réalité : la soufflerie.
La
soufflerie est la deuxième étape dans le processus de création
d'une pièce. C'est un
tunnel où on va souffler de l'air et placer un objet en son centre
pour étudier le comportement de l'air sur la pièce voulue. Il faut
alors en amont fabriquer la pièce à l'échelle 1:1 pour la placer
sur la maquette de la voiture et tester son rendement final. Les
tests sont très nombreux et variés : différentes vitesses,
différents réglages, ligne droite, virage, etc... pour étudier
l'écoulement de l'air sur notre maquette.
L'équipe
y installe alors des
capteurs qui transmettent la vitesse et la pression de l'air. Ces
capteurs ont pour
objectif de récolter le maximum de données les plus précises
possibles. En effet, ces
deux processus doivent être le
plus précis possible
afin que les résultats sur la monoplace apportent de réelles
améliorations.

C'est alors que rentre en jeu l'allocution de ces temps de développement. Le nombre de simulations en CFD et le nombre de tests en soufflerie sont à présent limités et contrôlés par la FIA. Ces deux tests se répartissent d'une certaine manière depuis deux ans désormais. En effet, on alloue un nombre croissant de tests du premier au dernier de la saison précédente. Ainsi, en 2023, l'écurie championne de 2022 n'a que 70 % du nombre autorisé, et la dernière obtient 115 % du nombre réglementaire de tests. Les équipes sont donc toutes séparées de 5 % en 2023. Les dirigeants de la Formule 1 obligent alors les équipes à effectuer des choix importants, en termes de temps de CFD et de soufflerie. Malgré ces mesures qui doivent rapprocher l'ensemble des concurrents en termes de performance, ce système connaît des limites et il commence à faire effet seulement deux ans après sa mise en place. On pourra de plus en plus en voir les effets au fil des saisons.
La problématique du Budget Cap
Depuis
2021, chacune des équipes présentes en Formule 1 doivent
respecter un règlement financier dans l'optique du développement
de leur monoplace. A
la
mise en place du
règlement,
elles avaient un plafond autorisé de 145 millions de dollars, contre
140
millions pour la
saison 2022 puis
135 millions cette année.
Ainsi, le budget alloué au développement se réduit de
5 millions de dollars chaque
année au fur et à mesure, le
tout
afin
de garantir davantage d'équité entre les importants constructeurs
et les plus petites entités.
Mais
à
cause de
ce
cap budgétaire, les ingénieurs souhaitent désormais avoir la
certitude que la pièce créée
apportera un véritable gain avant de lancer sa fabrication.
Autrement
dit, les ingénieurs ont des idées qu'ils ne peuvent plus
concrétiser aussi rapidement qu'avant. Dans
ce contexte, il faut attendre, continuer à réfléchir et à tester
en simulation, et reporter la fabrication de nouvelles pièces à
l'année prochaine. Jock
Clear, ingénieur performance chez Ferrari, expliquait chez F1i
Autojournal
: " On
n'arrête jamais le développement F1 […]
Que
l'évolution soit fabriquée ou non, la matière grise ne coûte
pas cher. Toutes les équipes ont des ingénieurs très imaginatifs
dans leurs rangs. Même si leurs idées ne se concrétisent pas cette
année, elle se manifesteront la saison prochaine. "
Bien
qu'il
soit régulé de nos jours, le développement en Formule 1 est
toujours une partie prenante de ce monde si sophistiqué, et cette
course au développement existera toujours.
V.A.